jeudi 19 mai 2016

La clause abusive et la réforme du droit des obligations

Une des innovations importantes de la réforme du droit des obligations est l'introduction dans le Code civil de la notion de clause abusive, par une disposition générale.



Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Il convient d'observer en premier lieu que la notion de clauses abusives ne s'applique donc que pour les contrats d'adhésion, qui sont eux-mêmes définis par l'article 1110 du Code civil :

Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties.

Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties.

Le contrat d'adhésion se distingue donc du contrat de gré à gré qui a fait l'objet d'une libre négociation entre les parties.

On notera l'ambiguïté relative à la notion de "conditions générales" dont on croit comprendre qu'elles se rapportent aux conditions les plus importantes du contrat lui-même et non de la notion de conditions générales (de vente, par exemple) imposées par le cocontractant à tous ses cocontractants et qui sont l'objet de l'article 1119 du Code civil :

Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières.

Une clause est abusive au sens de l'article 1171 du code civil dès lors qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Cette notion de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties n'est pas nouvelle, puisqu'elle figure à l'article L442-6 du code de commerce :

I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;

De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; (...)"

Il convient de relever que le texte du Code civil prévoit expressément que l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Il restera à la jurisprudence et donc aux tribunaux de définir en quoi consiste ce déséquilibre significatif. Il paraît difficile de considérer que l'objectif de sécurité juridique affichée par la réforme est compatible avec cet aléa judiciaire, étant précisé qu'il est tout à fait probable qu'en vérité les magistrats ne retiennent que très rarement un déséquilibre significatif au sens de cet article qui pourrait se révéler d'une utilité très réduite et purement théorique.

Il est très probable également que c'est le code de la consommation et la notion de clauses abusives au sens de ce code qui seront le plus souvent invoqués par les parties faibles à un contrat d'adhésion, étant précisé que le code de la consommation est applicable non seulement au contrat d'adhésion mais aussi au contrat de gré à gré au sens de l'article susdit du Code civil.